samedi 25 octobre 2014

Les années qui s'écoulent

On est le 25 octobre 2014, aujourd'hui. 

Le 25 octobre 2004, c'était un dimanche et j'étais supposée passer la journée à travailler à ma caisse au IGA. Petite jobine d'étudiante de 19 ans bien normale. Mais ce matin-là, j'ai appelé mon superviseur pour caller malade parce que j'avais très mal au ventre. J'avais souvent mal au ventre à l'époque. Je suis donc restée à la maison.

Vers l'heure du dîner, je me sentais un peu mieux, alors j'ai décidé de passer un petit coup de fil à une amie fibro-kystique qui était hospitalisée à ce moment-là. C'est sa mère qui m'a répondu, ce que j'ai trouvé bizarre. Elle m'a alors dit des paroles qui m'ont viré toute à l'envers. Si je voulais la voir, c'était le moment ou jamais. Elle allait mourir. Ça n'a pas pris de temps pour que mes parents et moi nous retrouvions en face de sa chambre d'hôpital. 

J'ai pu la voir et lui parler. Lui serrer la main. Lui dire que je l'aimais. Je n'ai pas dit grand-chose de plus. J'avais cette boule dans la gorge qui bloquait toute parole cohérente.

C'était il y a dix ans. Depuis dix ans, j'ai une photo dans ma chambre de nous deux pendant une hospitalisation, toutes souriantes. Malades, oui, mais profitant du moment présent et tellement contentes de passer du temps ensemble. C'est une photo qui a été prise deux ou trois ans avant son décès, je ne me souviens pas exactement de notre âge là-dessus. Mais une chose est certaine, on était bien loin de se douter que la mort guettait une d'entre nous. 

On dit qu'il n'arrive jamais rien pour rien dans la vie. Ce n'est pas pour rien si, ce matin-là, je me suis levée avec un solide mal de ventre. Sinon, je serais aller travailler comme à l'habitude et je n'aurais su que plus tard que ma meilleure amie était partie pour de bon. 

Mais je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi c'est arrivé à elle et pas à moi. On avait la même maladie, elle et moi. Atteintes d'une façon bien différente, c'est vrai, mais avec cette maladie, tout se joue souvent en un seul coup de dés. Ça aurait pu être moi. 

Dix plus tard, je suis greffée et elle me regarde d'en haut. Je sais qu'elle veille sur moi. J'espère qu'elle est un peu fière de moi, de ce que je suis devenue, même si des jours, je trouve que ma vie n'a pas toujours de sens. J'espère aussi qu'elle sait que jamais je ne l'oublierai. 

Tu seras toujours dans mon cœur, ma belle Aurélie. Je t'aime.  

jeudi 16 octobre 2014

Une nouvelle maladie

Je regardais un vidéo sur Facebook qui a été posté par une greffée pulmonaire. Ce vidéo montrait des gens atteints de fibrose kystique qui ont tous eu la chance, comme moi, de recevoir une greffe de poumons et ainsi de pouvoir continuer leur vie. On les voyait tous, souriants, pétants de santé, mordants dans la vie à pleine dent. Ça travaille, c'est heureux, ça profite de la vie comme jamais. Tout ça dans le but de promouvoir le don d'organes.

Ne me méprenez pas, je suis totalement pour le don d'organes, j'en fais moi-même la promotion lorsque j'en ai l'occasion. Sans mon donneur, je ne serais pas ici aujourd'hui pour écrire ce billet. Il y a cinq ans, sans la greffe, je serais probablement morte.

Je trouvais que ce vidéo était parfait pour inciter les gens à signer leur carte d'assurance-maladie, pour montrer à la population à quel point un si petit geste qui prend si peu de temps peut donner de grands résultats. C'est important de montrer l'impact de la signature. Après tout, sauver une vie, ce n'est pas rien! 

Mais ça m'a aussi plongé dans une réflexion un peu moins jolie: la vie d'un ou d'une greffé(e) n'est pas rose tous les jours. Ces personnes dans le vidéo ont retrouvé le souffle de la vie, cet état incroyable qu'ils ne pensaient jamais atteindre dans leur vie, mais il y malheureusement tout un lot de problèmes désagréments qui viennent avec la greffe. Ceux qui sont capables de travailler à temps plein et de s'investir dans leur carrière comme ils le veulent sont bien chanceux. Moi, je ne travaille pas. J'aspire à me trouver un emploi, mais à temps partiel, parce que du cinq jours/semaine, je n'y arrive pas. Je cours après mon énergie et en bout de semaine, je suis épuisée. Trois jours, c'est déjà limite. Une journée bien remplie va m'en demander deux de repos par la suite. Je n'ai pas de réserves d'énergie illimitées comme je m'imaginais en avoir, quand je pensais à l'après-greffe. Je peux faire beaucoup plus qu'avant, sans conteste, mais j'atteins vite ma limite. 

Il y a ensuite les différents bobos reliés en grande partie aux effets secondaires des médicaments anti-rejet. Les opérations diverses, les problèmes cardiaques, les problèmes rénaux, les AVC, les encéphalites, le cholestérol trop haut, l'hypertension, les problèmes gynécologiques pour les filles, le diabète tout débalancé, etc. En ce moment, j'ai le cœur qui me résonne comme une tonne de briques dans la cage thoracique. Ça bat fort comme ça depuis une semaine, ponctué de palpitations cardiaques inexpliquées. Je suis essoufflée alors que mes poumons sont clairs comme de l'eau de roche. J'ai le shake plus que d'habitude. J'attends de passer des examens plus poussés pour découvrir ce qu'il se passe. Ce n'est qu'un exemple de ce qui peut nous attendre après la greffe, je pourrais vous en énumérer d'autres qui me touche personnellement.

Oh! ce n'est rien comparé à la période pré-greffe. J'en suis bien consciente, n'ayez crainte. Pour rien au monde je ne voudrais revenir en arrière. Je ne voudrais pas revivre les nombreux traitements intraveineux d'antibiotiques et les hospitalisations qui s'éternisent. Ni les millions de piqûres, prises de sang, installations de pic-line (long tube intraveineux qui permet d'acheminer les divers solutés dans le corps), ni les quintes de toux interminables qui te réveille en plein milieu de la nuit et te laisse complètement vidée et en sueur, ni les bombonnes d'oxygène à trimballer partout. Mais d'envoyer l'image que tout est parfait après la greffe, je crois que c'est de se mettre la tête dans le sable. Parce qu'il n'y a pas de vie parfaite.

On souhaiterait que ça soit ainsi, après la greffe. Que tout roule tout le temps. On y rêve tellement fort. On se crée des attentes démesurées. Et ça fait quand même un peu mal quand on retombe sur terre. Le temps que ça dure, l'effet d'euphorie est indescriptible, on se croit invincible! Mais je pense que c'est préférable de réaliser que cette perfection n'est pas atteignable. Qu'il faut garder en tête que d'accepter la greffe de poumons, c'est d'échanger une maladie contre une autre. Une maladie différente, oui, plus facile à vivre, oui, mais une maladie quand même. Je l'aime ma nouvelle maladie, parce qu'elle me permet de continuer à profiter de la vie, mais il y a des jours où elle me fait c**** en maudit...